Sur nos écrans : « Un métier sérieux », un film de Thomas LILTI, attachant et réaliste.

Thomas LILTI lors de la présentation du film à Lyon ( photo JFM )

« Un Métier Sérieux », de Thomas Lilti, un film attachant sur nos écrans à partir du 13 septembre.

Surprise : après trois films et trois saisons d’une série situés dans un contexte médical Thomas Lilti consacre son dernier opus au monde scolaire ! D’aucuns — sont-ce les même qui reprochaient au réalisateur d’être trop médecin pour être cinéaste ? – s’nterrogent sur sa légitimité pour le faire. Vaine critique — a-t-on reproché à Chaplin de ne pas avoir exercé le pouvoir absolu avant de réaliser « Le Dictateur » ? – et ceci d’autant moins que Lilti est proche du milieu enseignant, fils d’une prof de lettres, petit-fils d’instituteurs et comptant de nombreux pédagogues dans son entourage proche.

Mais le reproche interroge : qui est habilité à évoquer l’école au cinéma? Beaucoup de « films scolaires » ont été réalisés par d’anciens enseignants trouvant dans le 7° Art un moyen de fuir un métier qui les avait déçus ! Leurs films se font alors réquisitoires, pleins d’amertume contre l’institution, l’administration, les collègues, les parents voire même les élèves, qui, tous, n’ont pas su apprécier leurs efforts. Ou bien les cinéastes se réclament de leur statut d’anciens élèves et puisent dans leurs souvenirs, le plus souvent mauvais, pour régler quelques vieux comptes avec le monde scolaire. Cela peut donner des œuvres fortes (« Zéro de Conduite » ou « Les Quatre Cent Coups ») ou d’inqualifiables navets mais tous ces films nous parlent d’une école d’hier, celle de l’enfance de leurs réalisateurs.

Lilti, au contraire, s’attache à décrire le monde d’aujourd’hui. Lors de la discussion que nous avons eue avec lui pour la présentation du film, Thomas Lilti a souligné que l’on demande aux enseignants (comme aux soignants ou aux travailleurs sociaux) de traiter les maux de la société, ce qui, bien sûr, n’est pas en leur pouvoir. Et paradoxalement, leurs métiers sont désacralisés, « leur respectabilité s’est délitée depuis les années 50 ».

Le film suit, sur une année scolaire, un jeune homme Vincent Lacoste, l’habituel alter ego de Lilti, arrivant sans formation dans un collège comme professeur contractuel (autrefois on disait maitre auxiliaire) D’abord un peu débordé l’aspirant-professeur se prend au jeu et, bien épaulé par ses collègues, trouve de grandes satisfactions dans l’exercice son nouveau métier. A travers son regard on découvre l’équipe pédagogique de ce collège ordinaire, ses enseignants, débutants ou confirmés, à l’aise ou en difficulté, et aussi son principal et son adjoint, obnubilés par la craintequ’un incident vienne perturber la tranquillité de l’établissement. On suit les travaux et les jours d’hommes et de femmes ordinaires. Lilti nous a déclaré :« j’ai de l’affection pour eux parce que je me suis rendu compte qu’ils ne se foutent pas de leur métier ». Et l’on partage sa sympathie, son empathie même, pour ces professeurs magnifiquement incarnés par les acteurs qui entourent depuis ses premiers films le réalisateur : outre Vincent Lacoste, François Cluzet, Louise Bourgoin, William Lebgil, Lucie Zhang et Bouli Lanners. Si, cette fois, Marianne Denicourt n’est pas de la partie, on note pour la première fois chez Lilti, la présence d’Adèle Exarchopoulos, aussi convaincante en professeure motivée qu’elle l’était en hôtesse de l’air
désabusée dans « Rien à Foutre ». Une magnifique comédienne !

Au total « Un Métier Sérieux » donne une image réaliste de la vie d’un collège d’aujourd’hui. Ni catastrophiste, comme souvent, ni idyllique, comme les ridicules publicités diffusées par le ministère de l’éducation, cette image semble, à l’enseignant que j’ai été, proche de la réalité quotidienne de beaucoup d’établissements.


Jean-François Martinon

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