Cedric Khan et Ariel Worthalter présentent le film à Lyon. ( photo JFM )
C’est un film attendu avec impatience, tant sa présentation, en ouverture de la quinzaine des réalisateurs du dernier Festival de Cannes a suscité d’intérêt.
On se souvient peut-être que, dans les années 60, Pierre Goldman, militant d’extreme gauche avait tâté de la lutte armée en Amérique du Sud. À son retour en France, il est accusé d’avoir commis deux vols à main armée, qu’il avoue, et d’avoir assassiné deux pharmaciennes lors d’un braquage ayant mal tourné, ce qu’il nie avec véhémence. En 1974 il est condamné à la réclusion à perpétuité , le jugement est cassé en 1975 et il est renvoyé devant les Assises de la Somme en 1976. Entre temps Goldman avait publié un livre plaidoyer » Souvenirs obscures d’un juif polonais né en France » qui rencontre un très grand succès et vaut à son auteur de nombreux soutiens parmi les intellectuels.
Le film de Cédric Kahn est, à une brève séquence d’introduction près, entièrement centré sur le second procès de Goldman.
Pour écrire le scénario il ne fut pas possible de s’appuyer sur les minutes du procès , mystérieusement disparues. Heureusement la presse s’était passionnée pour l’affaire et c’est à partir des compte-rendus d’audience publiés par les différents journaux que Cedric Kahn et sa co-scénariste Nathalie Hertzberg ont travaillé.
Film de procès donc, mais le réalisateur nous a dit avoir voulu rompre avec la manière traditionnelle de mettre en scène, ce genre de film, basée sur le champs/contre champs. Pour exprimer la vérité des audiences, qui, en 1976, se sont déroulées au milieu d’un publique nombreux et passionné, Kahn a tourné avec trois caméras, en longues séquences ininterrompues. Le texte des acteurs était écrit d’avance, mais pas les réactions de la foule , composée pour une moitié de partisans de la loi et de l’ordre, appuyant bruyamment l’accusation et par l’autre de gauchistes prêts à s’enflammer , en particulier quand la police était mise en cause. Leurs interventions, imprévisibles, portaient les acteurs et les obligeaient à remettre constamment en question leur interprétation, nous a dit Ariel Woorthalter, qui incarne avec beaucoup de justesse Pierre Goldman dans le film. Imprévisible, tantôt amorphe et abattu , tantôt véhément et irascible , plongeant souvent ses défenseurs dans un profond désarroi, Goldman est un personnage complexe, difficile à cerner et qui garde, aujourd’hui encore, une part de mystère . Kahn et Worthalter se sont bien gardé d’élucider ce mystère, de donner une explication univoque à son comportement , pas même de trancher à notre place la question de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusé . Et c’est ce qui fait tout l’intérêt de ce film complexe et riche, qui laisse une forte impression au spectateur.
Un film réussi, à voir absolument Jean-François Martinon
Jean-Francois Martinon