ISERE : Il faut sauver Fort-Barraux !

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Encore quelques hivers et il ne restera plus grand chose de l’hôtel du gouverneur. La pluie, la neige et le vent auront eu raison de la splendide bâtisse datant de 1608. Les vandales et les pillards ont commencé le travail depuis des années. Le temps, l’indifférence et l’oubli se chargent du reste. A moins que…

Cela fait bientôt vingt ans que Patrick Deschamps tire la sonnette d’alarme. Pas une visite sans que le guide ne rappelle que Fort-Barraux est un chef d’œuvre en péril. Un trésor de l’art militaire qui raconte cinq siècles de notre histoire.

Pas de complexe à avoir si vous ignorez tout des péripéties qui ont marqué l’évolution de l’une des plus anciennes fortifications des Alpes. Tout commence sous le règne du duc de Savoie Charles Emmanuel 1er. Pendant les trois heures qui passent beaucoup trop vite, le guide et comédien vous prend par la main et comble vos lacunes le temps d’un parcours aussi vivant que nécessaire pour comprendre l’urgence de sauver ces ouvrages défensifs. Pas seulement l’hôtel du gouverneur, mais aussi les autres bâtiments qui ont longtemps fait le bonheur des amateurs de paint-ball ou de soirées musicales arrosées.

 « C’est une architecture typique de celle que l’on retrouve dans le Piémont dès le début du 16è siècle, alors que l’on entend trop souvent dire à tort qu’elle est due à Vauban. Au contraire, quand Vauban arrive ici, il la trouve ratée, beaucoup trop exposée, » insiste Patrick Deschamps en nous montrant toutes les faiblesses pointées par l’ingénieur en chef de Louis XIV. C’est lui qui ordonnera sans tarder les travaux censés rendre Fort-Barraux inattaquable.

TROIS HEURES POUR PARCOURIR CINQ SIECLES

Son énorme trousseau de clés en main, le gardien de la mémoire glisse dates et anecdotes avec l’art du conteur qui ne veut pas perdre son auditoire. Les siècles défilent aussi vite que l’on passe d’une caserne à l’arsenal, du puits à la poudrière, avant de pénétrer dans la chapelle. Passionnant.  Comme si notre guide tentait de remonter le temps tant que les traces les plus sombres de notre histoire sont encore visibles. C’est la partie la plus émouvante de la visite, quand on découvre les graffitis laissés par les détenus du Centre de séjour surveillé. Ils s’entassaient alors dans les geôles glaciales aménagées dès juillet 1940 sur ordre de Pétain.

« Quand vous voyez le panneau à l’entrée au parking, c’est à croire qu’il ne s’est rien passé ! » s’énerve Patrick Deschamps, avant de nous décrire le quotidien des 6000 « indésirables » -juifs, communistes, tziganes, prisonniers politiques, trafiquants, francs-maçons- internés ici entre 1940 et 1945. C’est de Fort-Barraux que partiront 167 juifs pour Auschwitz. 

Tandis que l’on reprend son souffle en ressortant sur la grande esplanade, la splendeur des paysages nous ferait oublier ce que nous venons de voir et d’entendre. Le Mont-Blanc se dévoile dans la brume, la neige est venue blanchir la chaîne de Belledonne. Et quel calme ! Il fait bientôt nuit. « J’aime cette heure, » confie Patrick Deschamps. Le soir, tous les fantômes ressortent. »

Tant qu’ils font entendre leur voix. Il faut sauver Fort Barraux !

                                                                       Jacques LELEU

Pour en savoir plus : www.fort-barraux.fr

Des visites sont possibles toute l’année sur rendez-vous pour des groupes de 12 personnes minimum (Rens : 06 37 63 02 95). Sinon, les dimanches et jours feriés en mai, juin et septembre et tous les jours  juillet et août.

-Accès par la D1090 près de Pontcharra ou l’A 41 sortie 22 Pontcharra.

PHOTO : Cela fait bientôt vingt ans que Patrick Deschamps tire la sonnette d’alarme. Pas une visite sans que le guide ne rappelle que Fort-Barraux est un chef d’œuvre en péril. Un trésor de l’art militaire qui raconte cinq siècles de notre histoire. Photo J.L

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