CHAMBERY/ »L’art de la joie » ou le théâtre ouragan

Comment rester plus de cinq heures sur scène ? Ou sur son fauteuil de spectateur. D’un côté comme de l’autre, c’est une expérience rare. Elle peut marquer à vie. Qui a vécu « La nuit des rois » dans la Cour d’honneur du Palais des papes au festival d’Avignon s’en souvient à jamais. Quand le Théâtre du soleil illuminait Shakespeare comme on l’avait rarement vu ou entendu. Qui a traversé pendant sept heures les « Pièces de guerre » d’Edward Bond mises en scène par Alain Françon n’a jamais oublié non plus l’intensité d’un spectacle aussi radical.

A son tour, Ambre Kahan ose lancer ses 13 acteurs-musiciens dans une aventure inédite. Ils donnent vie à 32 personnages tour à tour jeunes et vieux, hommes ou femmes pour nous raconter la vie de Modesta et celle de la Sicile au siècle dernier. De la naissance de cette fille pauvre aux années 60, le roman fleuve de Goliarda Sapienza est aussi une tranche de l’histoire de l’Italie.

« L’art de la joie » a failli ne jamais exister. Autant le roman que la pièce. Aucun éditeur ne voulait publier ce texte-fleuve du vivant de son autrice, athée et anarchiste, qui allait décéder en 1996. En France, il faut attendre 2015 pour découvrir ce roman grâce à l’éditeur Le Tripode. Il faut dire que Goliarda ne faisait rien à moitié. Pas moins de 600 pages pour nous plonger dans le quotidien de cette femme que rien n’arrête. Jouisseuse, fonceuse, rebelle, Modesta croque la vie sans temps mort. Ambre Kahan est sur le point d’arrêter le théâtre quand elle tombe sur ce livre choc. Le Covid est passé par là, mais aussi des projets de mises en scène qui sont tombés à l’eau. « L’art de la joie » sera son quitte ou double. Après Valence où le spectacle a été créé, puis Lyon, Bobigny et Chatenay-Malabry, c’est à Chambéry de découvrir ce marathon théâtral.

-Chambéry, Espace Malraux, vendredi 29 mars 20h, samedi 30, 17h. A partir de 15 ans (www.malrauxchambery.fr).

PHOTO : Une plongée dans la vie de Modesta, qui traverse le XXè siècle comme un ouragan, jouisseuse, fonceuse et rebelle. Photo Mathieu SANDJIVY

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