« ROSALIE » un film intrigant de Stephanie Di Gusto

Stephanie Di Gusto, realisatrice et ses deux acteurs principaux Nadia Tereszkiewicz et Benoit Magimel à la présentation du film à Lyon ( photo JFM )

      Si l’on regarde attentivement la belle affiche du film il n’y a pas de doute : la gracieuse Nadia Tereszkiewicz arbore plus qu’un soupçon de …moustache ! De fait le personnage qu’elle incarne , Rosalie, est une femme à barbe.

      Au XIX° siècle le public raffolait des êtres hors norme : femme-serpent, homme à deux têtes ou à trois jambes et autre Eléphant Man, sans oublier les indigenes des lointaines colonies ( souvenez-vous du début du film « Chocolat » ! ). Parmi ces « phénomènes » ( les anglos-saxons disent « Freaks » comme le titre du film de Tod Browning ) qu’on exhibait sans vergogne dans les cirques ou dans les foires, les « femmes à barbe » avaient une place de choix . En France, deux d’entre elles ont atteint, au XIX° siècle,  une sorte de célébrité : Clemence Lestienne et surtout Clementine Delait. C’est à partir de la biographie de celle-ci  ( qui fit l’objet de plusieurs livres ! )  que Stephanie Di Gusto a construit le personnage de Rosalie. Mais la réalisatrice s’écarte des autres biographes sur au moins deux points : d’abord Rosalie vit en Bretagne alors que Clementine Delait habitait dans les Vosges. Mais surtout quand tous les récits de la vie de Clementine Delait insistent sur la réussite économique de l’héroïne Stephanie Di Gusto, elle, s’intéresse surtout à sa vie sentimentale . Parti pris crânement assumé :  » Si on n’est pas capable de raconter une histoire d’amour, c’est pas la peine de faire du cinéma » nous a-t-elle dit d’emblée pour présenter son film .

     On ne peux que l’approuver d’avoir fait ces choix . Le village breton où fut tourné le film, pittoresque et comme hors du temps, convient parfaitement au sujet . « Sans ce village le film n’aurait pas été possible » affirme Stephanie Di Gusto et on la croit ! Le changement de point de vue sur l’histoire est lui aussi tout à fait justifié . La manière très efficace dont C.Delait sut tirer profit de son hirsutisme ( c’est le nom médical de sa particularité ) est certes brillante , Clementine profitant de sa renommée pour augmenter la clientèle de ses établissements, posant sur des photos vendues à ses admirateurs puis rencontrant dans toute l’Europe nombre de célébrités prêtes à payer pour figurer à ses cotés, mais il n’y a pas là, à l’évidence, matière à faire un film ! S’interroger sur les rapports entre l’héroïne et son mari, se pencher sur la difficulté d’être  » le mari de la femme à barbe » ( c’est le titre d’un film, très noir, de Marco Ferreri ) est beaucoup plus interessant, plus moderne aussi ! Benoit Magimel, sombre, lourd, taiseux et Nadia Tereszkiewicz, vive et forte, donnent beaucoup d’épaisseur à cette relation complexe : ils s’attirent et se repoussent, se cognent et se rapprochent sans jamais s’épancher, nous laissant dans l’expectative durant tout le film et jusqu’à une fin ouverte que chacun interprétera à sa façon… C’est ce qui fait tout l’intérêt d’une oeuvre hors des sentiers battus, à la réalisation soignée et aux images magnifiques.

jean-François Martinon

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