Il est rassurant de constater qu’ici-bas, les morts ont toujours leurs mots à dire, du moins pour certains d’entre eux.
Voilà déjà 13 ans que le chanteur Allain Leprest a tiré sa révérence, nous laissant orphelins de ses vers et de sa voix. Claude Nougaro ne s’était pas trompé quand il disait de lui : c’est bien simple, je considère Allain Leprest, comme un des plus foudroyants auteurs de chansons que j’aie entendu au ciel de la chanson française. Que l’on juge !
Montreur de Grande Ourse
Gardien de parkinge
Bulleur d’eau de source
Ou dresseur de linge
Y’a pas d’sots métiers
ou encore
Nu, j’ai vécu nu
Naufragé de naissance
Sur l’île de Malenfance
Dont nul n’est revenu
Des mots si simples en apparence, mais taillés dans une telle matière et d’une telle pointure, qu’ils chaussaient la plume de Leprest de vers de géant, de mots de sept lieux.
La lune allume son petit réchaud
Tu vas avoir du croissant chaud
Dans ton grand bol de Voie lactée
Dans les cieux tout est à becter
Il ne manque que la margarine
Good bye Gargarine
Alors bien-sûr d’Allain Leprest il nous reste et nous restera ses enregistrements, ses vidéos de concerts et d’interviews, des livres, mais il nous manquait l’intégrale de ses chansons enregistrées, c’est maintenant chose faite. Pour les 70 ans de sa naissance (1954-2011), ce recueil, Donne – moi de mes nouvelles, paru aux éditions l’Archipel en mai 2024, rassemble les paroles de quelque 300 chansons enregistrées par Leprest. Une parution qui fera date et ravira tous les inconditionnels du grand bonhomme dont je suis.
Il faut dire que ses chansons s’écoutent, se chantent, se regardent, mais se lisent aussi, comme des poèmes. Jean d’Ormesson le considérait comme le Rimbaud du XXè siècle, pas moins. Grace à ce livre on pourra se soûler à l’envi des mots d’Allain, en se souhaitant une addiction totale et assumée.
J’ai laissé un sac de billes noires
Le grincement gris d’une armoire
Un camion de pompier une Rolls-Royce
Un car de police Dinky Toys
Une tartine de compote d’oranges
Tombée du côté où ça s’mange
Toutes les tartines du monde entier
Tombent toujours du mauvais côté
J’ai laissé un canari mort
Une croix sous le sycomore
Dans le jardin des parents
À Mont-Saint-Aignan près de Rouen
De son vivant, Allain Leprest n’a pas eu la reconnaissance du grand public qu’il méritait, bien qu’il ait travaillé avec des compositeurs et des musiciens de talent, Romain Didier, Richard Galliano, François Lemonier, Loic Lantoine… Souhaitons que ce livre aide à sa reconnaissance par un public de plus en plus nombreux et qu’à l’avenir Allain Leprest ne cesse de nous donner de ses nouvelles
Sans t’avouer que je me manque
Donne-moi de mes nouvelles
Dis-moi dans quel port se planque
La barque de ma cervelle
Me crois-je encore guitariste ?
Comment vis-je comment vais-je ?
Ai-je toujours le front triste
D’un professeur de solfège ?
As-tu rendu au voisin
La page du Télérama
Dont il avait tant besoin
À caus’ du Dalaï-Lama ?
Vis-tu toujours avec moi ?
Didier Venturini
Pour les 70 ans de sa naissance (1954-2011), le recueil, Donne – moi de mes nouvelles, paru aux éditions l’Archipel en mai 2024, rassemble les paroles de quelque 300 chansons enregistrées par Leprest.