
Judith Perrignon est née en 1967 Elle est journaliste à Libération depuis ses 25 ans Elle travaille avec d’autres médias comme Marianne, M, le XXI. Elle est productrice des « Grandes traversées » à France- Culture et a écrit de très nombreux ouvrages, romans et biographie. Elle a été invitée au Festival du premier roman en 2010 pour son roman « Les chagrins ». Elle était
présente à Grenoble pour le printemps du livre le 6 avril. Dans son dernier livre : « Nous parlons d’un lieu où tout est fragile » (Ed.L’Iconoclaste), elle nous raconte la vie de Rachid. Il vit dans un centre d’hébergement d’urgence rue Popincourt à Paris. Judith Perrignon y va tous les mercredis animer un atelier d’écriture et de poésie pour les résidents.
Rachid a 90 ans. Rachid n’est pas un sans abri, un désargenté, un mendiant. Il n’est pas sans ressources. Il a travaillé toute sa vie, il touche sa retraite. Une vie incroyable. Élevé en grande partie par sa grand-mère . En 1942, il a assisté au débarquement en Algérie à Annaba ( anciennement Hippone où est mort Saint
Augustin). Il serait parti aux USA clandestinement sur un porte avion américain. Revenu dans son pays, il travaille dans une usine d’aluminium. Plus tard il voudrait apprendre la mécanique à Marseille. Pas de place dans la mécanique. Pas de place non plus dans l’électricité. Ce sera le bâtiment. S’ensuit une série de boulots différents, d’expériences incroyables ou le possible côtoie la réalité. Il achète avec des amis un château, une ruine, puis la revend. Il achète une wagon lit 1ère classe, et le revend. C’est l’imagination de Rachid qui est importante, plus que la réalité.
Cette imagination qui est un système de défense dans un monde rude avec les manœuvres algériens en France. On ne devait pas trop éduquer les jeunes arabes, kabyles, musulmans comme l’expliqué Jules Ferry dans un discours au sénat le 6 mars 1891: « Nous ne voulons pas leur rendre familiers nos beaux programmes d’enseignement primaire … seulement le français, le français avant tout, le français et rien d’autre …avec un petit enseignement pratique et professionnel, nous nous apercevons bien vite que le Coran n’est en aucune façon l’ennemi de la science. Et ces populations laborieuses, malheureuses, comprendront vite de quel secours peut bien être cette modeste
éducation française, dans leur lutte pour la vie de chaque jour »
Quand on lit Judith Perrignon on reconnaît immédiatement son rythme, son style. On entend sa voix. Lisez-la, ses livres sont toujours passionnants. Et écoutez ses « Grandes traversées » sur France-Culture quand elle raconte Franklin D. Roosvelt, Lee Miller ou Louise Michel. C’est toujours très
documenté, empreint d’humanité. Un grand plaisir de lecture et d’écoute.
Claude GUEST
Découverte à Chambéry avec son premier roman « Les Chagrins », Judith Perrignon est venue à Grenoble présenter « Nous parlons d’un lieu où tout est fragile ». Photo Laura Stevens