Ana Girardot et Isabelle Brocard lors de la présentation du film à Lyon ( photo JFM )
Marie de Rabutin-Chantal, plus connue sous son titre de Marquise de Sévigné, est célèbre comme épistolière c’est à dire que son oeuvre est constituée des lettres qu’elle écrivit, tout au long de sa vie, et qui furent publiées après sa mort . 80 pour cent de cette importante correspondance est constituée par les lettres que la marquise écrivit à sa fille Françoise de Grignan. Fait assez rare à l’époque la mère et la fille étaient liées par une grande affection, qui transparait au travers des quelques 560 misives de la mère à sa fille que nous possédons, les réponses de Françoise de Grignan n’ayant , malheureusement, pas été conservées. C’est à partir de ce corpus qu’Isabelle Brocard, avec l’aide d’ Yves Thomas, a construit le scénario de son film et les relations mère/fille sont le sujet même du film.. Les lettres de la marquise sont non seulement très souvent lues en voix off, mais elles imprègnent les dialogues, la réalisatrice supposant à juste titre que, dans le milieu lettré qui est celui de Madame de Sevigné, on s’exprimait dans une language soutenu, proche de la langue écrite.
L’affection de Marie de Rabutin-Chantal pour sa fille était très vive, on l’a dit, elle était même passionnée et, parfois, quelque peu abusive, la marquise ayant tendance à dicter sa conduite à Françoise . Mais celle-ci ne se laisse pas mener : elle résiste parfois aux injonctions maternelles en particulier quand celle-ci se mêle de sa vie conjugale . Madame de Sevigné est veuve et contente de l’être, cela lui donne une grande indépendance d’autant qu’elle jouit d’une importante fortune familiale . Elle vit à Paris, fréquente dans les salons un monde d’intellectuels brillants et peine à comprendre que sa fille se plaise à vivre dans une lointaine province ( même s’il s’agit du beau château de Grignan ! ) . Et surtout elle ne conçoit pas que Françoise partage la vie de son époux alors qu’il serait tout à fait convenable, dit-elle, qu’elle revienne à Paris en laissant son mari assurer seul les devoirs de sa charge de lieutenant-général de Provence. Mais Madame de Grignan ne se laisse pas faire et , tout en préservant l’affection de sa mère, mène sa vie à sa guise.
Tout entier construit autour des relations des deux femmes, le film est complètement tributaire de l’excellence du jeux de leurs interprètes . ET la réussite est éclatante : Karine Viard est une Sevigné vibrante, passionnée, au bord de l’hystérie parfois et Ana Girardot, gracieuse et souriante, lui rend la réplique en douceur mais sans faiblesse . Aussi à l’aise dans la langue du grand siècle que dans les costumes chatoyants de l’époque, les deux comédiennes sont parfaites de naturel et d’élégance . Du grand art ! La réalisation, précise et soignée, leur rend admirablement justice de même qu’elle met en évidence les beautés de la Drome et l’éclat de la vie des privilégiés au siècle de Louis XIV.
Le film est soutenu par la région Auvergne Rhône Alpes et co-produit par Auvergne Rhône Alpes Cinéma . Pour souligner le rôle important de ces organismes en faveur d’un cinéma de qualité il suffit d’énumérer les trois dernières productions qu’ils ont soutenu ( et dont j’ai parlé ici ) : « Vincent doit Mourir »de Stephan Castang , « La Tête Froide » de Stephane Marchetti et » Madame de Sevigné », trois films très différents les uns des autres mais tous originaux et exigeants réalisés par des auteurs peu connus, mais appelés, on l’espère, à une belle carrière ;
Jean-François Martinon