Vincent Perez, Karine Silla et Doria Tillier présentent le film à Lyon ( photo JFM )…
Des duels, Vincent Perez en a beaucoup joué dans sa riche carrière d’acteur. C’est peut-être pour cela qu’il a eu envie d’en faire le thème principal de son dernier film , « Une Affaire d’Honneur », qu’il a écrit avec Karine Silla , qu’il a réalisé et dans lequel il tient le rôle d’un farouche militaire prêt à se battre dès qu’il considère que son honneur est mis en cause.
L’action se déroule en 1887. La France, traumatisée par la défaite de 1870, s’habitue tant bien que mal à vivre en Republique, même si les nostalgiques de la royauté ou de l’empire sont encore nombreux, particulièrement dans la haute société et chez les militaires. L’économie est peu brillante : la guerre a entrainé une période de dépression qui ne prendra fin qu’une grosse dizaine d’années plus tard.. Mais l’époque n’est pas seulement tournée vers le passé : de grands changements sont en germe, symbolisés par la tour Eiffel en construction ! La contestation sociale, un moment étouffée par l’écrasement de la Commune de Paris , reprend vigueur, notamment autour des syndicats, autorisés depuis peu. Le monde intellectuel est en effervescence : en littérature le naturalisme concurrence le romantisme, en peinture l’impressionnisme encore timide s’oppose à la domination de l’académisme et des idées nouvelles sont furieusement débattues : anarchisme, socialisme et, nous le verrons à l’écran, féminisme.
Cette période correspond à un moment où les duels sont particulièrement nombreux en France : on en compte un par jour environ, avec un mort tous les mois. Ce phénomène n’a rien de clandestin : la presse, en plein essor, lui fait une large place et de nombreux ouvrages sont consacrés à la question, en particulier « L’Art du Duel », d’un nommé Tavernier, dont le rôle est interprété, avec beaucoup de finesse, par Guillaume Gallienne dans le film.
Ce contexte, Vincent Perez et sa co-scenariste l’ont étudié avec soin avant de concocter une histoire ingénieuse mettant en scène, outre l’officier incarné par le réalisateur, un maitre d’arme, un directeur de journal et une féministe. Et tous ces personnages – et oui ! même la féministe – vont s’affronter en différents duels, à l’épée, bien sûr, mais aussi au pistolet ou au sabre. Loin d’être répétitive l’histoire avance inexorablement mettant à jour progressivement le caractère très opposés des personnages , tournés vers le passé ou vers l’avenir, aimant la vie ou fascinés par la mort . Et, ce faisant, ils nous révèlent les contradictions de leur époque, tout en nous poussant à en chercher des échos dans notre monde actuel. Rapport à la violence, influence de l’opinion publique dans nos comportements, place de la femme dans la société et aussi dans les relations intimes, toutes ces questions d’aujourd’hui se posent déjà aux protagonistes de cette « Affaire d’Honneur « , sans aucun anachronisme. On le voit l’ambition de l’auteur dépasse largement l’horizon d’un simple film de cape et d’épée !
Pour rendre son propos clair et crédible Perez peut compter sur la qualité et cohésion de ses interprètes. Roschdy Zem est impérial en maitre d’arme taiseux et tourmenté, Damien Bonnard incarne avec nuance et beaucoup de vigueur un directeur de journal, prêt à tout pour vendre du papier, Vincent Perez et Guillaume Galienne sont, on l’a dit, excellents. Et Doria Tillier fait de Marie-Rose Astié de Vaisayre, écrivaine, journaliste et fleurettiste féministe un prodige de grâce et d’énergie, une figure rayonnante dont on se souviendra !
« Une Affaire d’Honneur » est, pour conclure, un film ambitieux à la réussite éclatante grâce à une reconstitution réaliste , pas du tout poussiéreuse et à un casting de rêve ! A ne manquer sous aucun prétexte, même s’il sort entre Nôel et le Jour de l’An !!
Jean-François Martinon